La réflexion qui suit s’appuie sur mon expérience de terrain où ce sont des femmes qui m’ont confié cette peur de la solitude. Pour autant cette peur-là, bien sûr, des hommes en souffrent aussi.
C’est une explication, ou une excuse, que me donnent des jeunes femmes qui viennent en consultation pour essayer de comprendre certains de leurs comportements affectifs erratiques : relations amoureuses risquées, fragiles, instables, sans lendemain ou sans projet. Et un, deux, voire trois enfants de géniteurs différents, qui le plus souvent n’assument pas leur responsabilité de père
Certaines d’entre elles analysent leur quête d’amour avec lucidité.
L’une a été mise à la porte par sa mère à l’âge de 17 ans Perdue et révoltée, elle a cherché de l’affection là où elle a pu. Pour d’autres, l’éloignement de la famille est une vraie souffrance : « Je suis venue d’Outremer pour mes études, et je me suis trouvée sans personne pour me choyer, sans personne à aimer ». Et le premier jeune homme, un tant soit peu aimable, a trouvé cœur à prendre. Ce peut être aussi une fuite de la famille, ressentie comme trop étouffante, trop violente ou au contraire trop atone … Ou encore un isolement affectif et social si difficile à supporter qu’on recherche un peu de tendresse là où on peut la trouver.
Lorsqu’elle est apprivoisée et même choisie, la solitude est bénéfique et structurante. Elle favorise la découverte de soi, ouvre au dialogue intérieur, au rêve et à une pensée personnelle, permet le discernement et la construction de projets (discernement bien difficile lorsque l’on vit une relation fusionnelle par peur d’être seul(e)).
Quand ces jeunes femmes perçoivent le manque de cohérence de leur vie, après des séparations douloureuses, parfois dans la violence, rares sont celles qui s’estiment encore : aussi est-ce une chance qu’elles songent à consulter un psychologue ou une conseillère conjugale. Elles trouvent dans cette espace une oreille accueillante, qui leur permet d’exprimer leurs angoisses, de prendre du recul sur les dysfonctionnements de leur histoire, pour amorcer un chemin de reconstruction
Ce qui est à reconstruire c’est l’estime de soi, la confiance en ses ressources personnelles, la conviction d’être digne d’être aimée. Ce qui est à découvrir c’est le chemin à suivre vers l’autonomie, c’est la responsabilité de ce qu’on est et de ce qu’on vaut, c’est la capacité d’aimer librement sans dépendre du regard de l’autre.
Se sentir « en bonne compagnie » avec soi-même, cela s’éduque.
Bibliographie
Donald W. Winnicot dans « La mère suffisamment bonne », le chapitre « La capacité d’être seul » (Petite Bibliothèque Payot)
Marie-France Hirigoyen dans « Les Nouvelles Solitudes » les chapitres 12 et 13 (Editions La Découverte, 2007).