Je reçois en entretien une jeune femme, célibataire et mère de deux jeunes enfants, très en colère : contrariée par les conseils et recommandations de la directrice de la crèche, elle n’y répond pas et fait l’objet d’un signalement de cette même directrice et du médecin de PMI. Conclusion : elle a retiré ses deux enfants de la crèche. L’assistante sociale lui préconise de les y remettre, ce qu’elle refuse absolument, au même titre qu’elle oppose à tout ce monde-là mutisme, inertie, refus de se rendre aux RV … La tension monte de part et d’autre et la situation semble bloquée
Un peu interloquée par sa réaction et par le consensus des services sociaux, je la questionne sur les points qu’on lui reproche. Hygiène, « je lave mes enfants deux fois par jour », perte de poids des enfants, « ils mangent toute la journée, on ne peut pas me reprocher de les sous-nourrir ! », la sécurité, notamment dans les lits à barreaux, « tous les enfants à cet âge sortent de leur lit », etc.
Son sentiment est que tout le monde lui dicte ce qu’elle doit faire, alors que « c’est elle la mère, elle a 23 ans, elle sait ce qu’elle doit faire, et surtout elle agit pour le mieux ». La discussion tourne en rond.
Au fil de l’entretien, je comprends l’influence du « modèle familial d’origine » : sans rien remettre en cause, cette jeune femme agit comme elle a toujours vu agir sa mère – également célibataire – qui, avec une certaine emprise, l’encourage à ne rien entendre des diverses préconisations… Or le risque encouru est qu’on lui retire la garde de ses enfants, ce qui serait dramatique pour cette jeune maman, car elle les aime, et pense bien faire.
Ce cas présent est terrible, mais quoi de plus normal que de reproduire son « monde d’origine », ce qu’on a toujours vu faire chez soi : les habitudes, les gestes quotidiens, les recettes de cuisine, les rites, les jeux, les façons de parler, d’éduquer, les règles de vie, etc… jusqu’à la façon de concevoir l’hygiène corporelle et la propreté des lieux, les habitudes alimentaires, ou encore la notion de sécurité. Ce qui est en question ici, au-delà de possibles maladresses des services sociaux, c’est l’incapacité de cette femme à remettre en cause des habitudes qu’on lui signale comme dommageables pour ses enfants et à entendre des conseils prodigués pour leur bien.
Dans tous les modèles parentaux, célibataires ou en couple, l’enjeu est de taille, car il s’agit de l’éducation des enfants. Dans un couple parental, le monde d’origine de la mère est naturellement bousculé et enrichi par celui du compagnon ou conjoint, et réciproquement. Ce qui les pousse à se poser des questions, à relativiser l’héritage reçu, à s’ouvrir à d’autres façons de faire.
Du recul face au « modèle familial d’origine » et l’ouverture à d’autres choix éducatifs sont indispensables.