Depuis près d’un an je reçois, un couple recomposé, appelons-les : Sébastien et Anaïs. Anaïs a deux fillettes d’une précédente union. Leur passé à tous les deux est lourd: ils n’ont pas été épargnés par la violence, ont vécu des abandons ou des trahisons, aujourd’hui leur situation financière est très précaire.
Or Sébastien et Anaïs veulent maintenant mettre toutes les chances de leur côté pour réussir leur union, avec un projet de mariage.
En entretien, Sébastien parle assez aisément de son histoire, de son passé de loubard et surtout, de la violence qui l’envahit quand il est contrarié, ou qu’il ne se sent pas compris. Il exprime assez clairement ses besoins et ses demandes à sa compagne.
Après avoir vécu des années de galère à affronter, seule, la responsabilité de ses enfants, Anaïs a une conscience très fine de ses blessures et des difficultés qu’elle rencontre dans cette nouvelle relation à deux : elle trouve difficile de partager ses soucis et ses souffrances. Paradoxalement, c’est principalement elle qui porte le projet de mariage.
Pendant de nombreuses séances, Sébastien et Anaïs se sont parlé indirectement : tournés vers moi, me regardant, parlant de l’autre en « il » ou « elle ». A ma demande, ils ont peu à peu commencé à se regarder et à se parler directement pendant les entretiens. Je leur ai proposé diverses techniques d’écoute et de dialogue pouvant favoriser leur communication, dont ils se sont saisis avec motivation, essayant tout doucement de les mettre en pratique dans leur quotidien, même si de leur propre aveu, cela restait encore assez difficile.
La dernière séance, ils sont arrivés, lui tendu, elle renfrognée. Des évènements défavorables avaient rendu plus difficile encore leur situation. Et du coup les améliorations relationnelles étaient tombées. Elle s’était renfermée dans une attitude boudeuse et irritable, gardant pour elle les tracas et élaborant seule les solutions pour tenter de s’en sortir. Ce qui le mettait, lui, dans une colère noire : être exclu de la sorte, sans connaître exactement ce qui la faisait souffrir, sans possibilité de lui porter secours ! Il manifestait cette violence en lui par des paroles dures, des portes claquées et des « fugues » de quelques heures pour se calmer.
Dialoguer est un art et un apprentissage.
Cette histoire parmi d’autres, montre qu’il est souvent difficile mais possible de s’écouter l’un et l’autre avec intérêt et respect, d’ouvrir son cœur pour partager ses ressentis, ses pensées et ses désirs, d’utiliser les mots qui sauront rejoindre l’autre sans blesser etc. C’est un apprentissage. Comme pour tout apprentissage, celui-ci demande du temps et de la régularité, pour se parler et s’écouter et rendre ce dialogue habituel. Voilà ce que venait chercher ce couple, de séance en séance où ils venaient très ponctuellement.
Lorsqu’arrivent des soucis, une crise, un conflit… ces acquis semblent voler en éclats. Cela vaut pour tout apprentissage : les moments de stérilité laissent penser que l’on régresse, que l’on n’y arrivera pas, que l’on n’y arrivera jamais… Pourtant les acquis sont toujours là, bien présents, que l’on retrouve après une réconciliation, un pardon donné et reçu.